L’ennui, un hôte qui s’invite dans la méditation

Spontanément, les êtres humains que nous sommes n’aiment pas s’ennuyer, et nous essayons donc d’éviter par tous les moyens de nous trouver face à cet état d’esprit. S’ennuyer, signifie que notre mental a faim de stimuli, de stimulations intellectuelles, et que son appétit  n’est pas satisfait.

Notre société actuelle semble s’adapter pour nous aider à éviter l’ennui. Éviter de s’ennuyer est aujourd’hui considéré comme un impératif par la plupart de nos contemporains, à tel point que l’industrie des loisirs et du divertissement a pris une extension considérable.

Face à cet ennui, certains(nes) satisfont l’appétit de leur mental en ouvrant un magazine, en passant un appel téléphonique, en allumant la télé, en naviguant sur le Web, voire en allant faire du shopping ou autres.

Et si au lieu de fuir cet ennui, vous décidiez de lui faire face. Oui, il est possible de faire le choix de lui faire face tout en l’observant et de découvrir qu’après un moment d’attention il va s’entourer soudainement d’espace et de calme. D’abord un peu, puis au fur et à mesure, il va diminuer en importance et en intensité tout en perdant de l’emprise sur notre mental.

Pourquoi le pratiquant vient à s’ennuyer au cours de la méditation ?

 « Aujourd’hui, cette séance est d’un ennui mortel…Dans combien de temps cela-va-t-il se terminer ?  Le temps est long, j’ai mal partout, les jambes, le dos,… je suis assailli par des pensées…J’en ai assez…Il faut que ça s’arrête…»

Je peux le concevoir, pour tout(e) débutant(e) dont j’ai fait partie, la ou les premières séances de pratique de la méditation peuvent s’avérer une activité ennuyeuse. Même habité(e) d’une grande motivation, l’idée de passer du temps assis sur un coussin (à ne soi-disant rien faire) n’est en soi pas foncièrement très réjouissante. Au premier regard, quoi de plus ennuyeux ? D’un certain côté nous pratiquons ce « rien faire » ; c’est vrai. Cependant, il s’avère que ce n’est pas si ennuyeux que ça. En effet, durant l’assise vous êtes invités(es) à ne pas vous laissez aller et à ne pas subir non-plus l’inaction car dans l’esprit et dans le corps il se passe tellement de choses intéressantes à observer.

Suite à un manque de concentration, avoir à faire face à l’ennui est une situation très courante et normale lors des premières séances de méditation. En effet, emportez par vos pensées et/ou vos sentiments, vous n’êtes plus véritablement maître de vous-même. Vous perdez le contrôle de votre mental et votre esprit est alors dominé par un ressenti d’ennui.

L’ennui, ce sentiment qui assaille le débutant, et qu’il cherche à fuir par tous les moyens, ne serait-il pas en fait un outil essentiel pour avancer dans la pratique ?

Soyez convaincu(e) que la méditation, plutôt qu’une simple technique, est surtout une prise de conscience de ce que l’on est véritablement et de ce qui est entrain de se passer dans son espace intérieur. Cette prise de conscience est dans la plupart des cas difficile à atteindre, d’où l’ennui dans la pratique pour certains débutants.

L’ennui peut devenir cuisant et faire apparaître un sentiment d’immense irritation et d’impatience qui peut mener à une envie pressante de vouloir se lever et de faire autre chose. Vous êtes contrariés par vous-mêmes, par la méditation elle-même, et vous vous demandez : « Pourquoi est-ce que je fais ça, pourquoi je reste là, alors que je pourrais être en train de me distraire autrement ? » ou, plus subtilement : « Pourquoi méditer quand je pourrais faire quelque chose d’autres de plus intéressant ? ». Vous êtes déçus, mécontents et en proie au doute.

Cet ennui, ce sentiment de vide pourrait même aller à l’extrême jusqu’à déclencher de la colère. En fait, l’apparition de cet état a aussi pour origine une ambition contrariée naît des fantasmes imaginés par ce que pourrait vous apporter la méditation. Un non-retour sur investissement : « Ce que je suis entrain d’expérimenter n’est pas ce que je voulais ! Je ne suis pas venu ici pour vivre ça ! Je pensais vraiment que cela allait m’amener quelque part, m’apporter quelque chose et rien ne se passe ! Je veux me lever et partir… » Et vous voilà embourbés dans cette situation.

Faire face à cette expérience difficile est un moment crucial de la pratique, car si vous n’êtes pas en mesure de la dépasser vous pourriez douter des biens fondés de votre engagement et en arriver à abandonner la méditation. Cette irritation désagréable, aussi forte et envahissante qu’elle soit, n’est en fait qu’un autre sentiment vers lequel vous devez vous tourner pour l’examiner franchement.

Pour accepter cet ennui, il vous faut « vous accrocher », le traverser en revenant à l’instant présent. Accepter les expériences telles qu’elles se présentent, tout en observant chaque inspiration et chaque expiration comme des moments uniques. Pratiquer sans désir de profit et sans but, en retirant de votre esprit toute idée de « bonne méditation » ou de « réussir sa méditation », qui sont autant de concepts qui n’ont pas leur place dans la pratique.

Pratiquer juste pour pratiquer en renonçant à toute forme de bénéfices ou de résultats n’est pas facile. C’est une attitude qui n’est pas naturelle car tout ce que nous entreprenons dans la vie vise un objectif et la satisfaction de sa réalisation.

Combien de temps cet ennui peut-il durer ? Cela dépend de vous et de votre rapport à la méditation. En fait, il vous faut aller au-delà de l’ennui car c’est à partir de ce moment-là que vous vous ferez du bien.