Le monde extérieur est-il vraiment la cause de notre malheur ?

Nous cherchons tous la paix et l’harmonie parce que c’est ce qui manque à notre vie. Nous voulons être heureux et le considérons comme notre droit. Constamment à la recherche du bonheur, nous nous en faisons notre propre idée et la poursuivons à travers un labyrinthe d’impasses. Nous avons une image idéale de la vie et nous voudrions tant qu’elle se réalise, ce qui pour la plupart d’entre nous signifie éliminer les expériences malheureuses pour les remplacer par des moments heureux. Nous vénérons le dieu du refus de ce qui peut être inconfortable et désagréable.

Chacun de nous possède un stock inépuisable de rêves et de fantasmes qu’il passe sa vie à essayer de concrétiser, tout en s’efforçant d’obtenir ce qu’il désire et de fuir ce qu’il redoute, sans toujours y parvenir. L’illusion de nos désirs est de nous faire croire qu’il existerait quelque part un objet, un lieu, un être adéquat qui nous permettrait d’être totalement satisfaits. Fort de cette idée nous sommes en permanence en quête d’autre chose, nous courons dans tous les sens à la recherche de cet idéal mais en vain.

Que des événements souhaités ne viennent pas, que des obstacles s’interposent à nos projets et des tensions se créaient en nous générées par nos réactions mentales et émotionnelles. Nous devenons malheureux quand nous nous apercevons que quelqu’un fait quelque chose qui ne nous plaît pas ou lorsque quelque chose ne se déroule pas tel que nous l’avions prévu. Nous traversons alors des périodes difficiles faites d’agacement, de doute et de souffrance.

A vivre ainsi il nous arrive assez souvent de ne pas être bien, passant par de nombreux moments d’agitation, d’irritation, de colère et autres… Notre respiration s’accélère, notre esprit se tend, nos épaules se crispent et des sensations désagréables nous envahissent.

Nous nous sentons mis à mal par la vie, nous souffrons et nous cherchons un soulagement quelque part, sans trop savoir où faire tête. Nous cherchons quelque chose en dehors de nous pour soulager nos peines, essayant de distraire notre esprit de différentes façons pour détourner son attention ; sorties, achats intempestifs, aventures amoureuses à répétition…

A force de nourrir de vains espoirs en cherchant des ailleurs meilleurs et des lendemains heureux nous ne voyons plus ce qu’il y a sous notre nez et nous n’apprécions plus notre vie. Puisque tout ne se passe pas comme nous le voulons et constamment tiraillés entre attraction et répulsion notre vie devient ainsi misérable, faite de luttes incessantes au quotidien.

Ignorant de la réalité interne nous attribuons à cet « extérieur » la cause de notre malheur, convaincus que les perturbations qui nous agitent sont causées par les événements, par ces autres qui de par leurs attitudes font s’élever en nous désir, colère, aversion…Nous cherchons au-dehors la cause de notre malheur sans comprendre que celle ci réside à l’intérieur, dans nos propres réactions aveugles. Toute notre vie, nous avons été habitués à tourner notre regard vers l’extérieur, intéressé par ce qui s’y passe, par ce que font les autres. Ainsi nous demeurons des inconnus pour nous mêmes, sans saisir combien cette ignorance nous est nuisible; esclaves de nos réactions conditionnées, de nos préconceptions qui obscurcissent notre vision mentale et  nous font souffrir. Notre souffrance naît souvent du fait que nous ne sommes pas en contact avec la réalité telle qu’elle est, mais plutôt avec ce que nous croyons qu’elle est, ce qui peut être très différent.

Sans examiner le monde intérieur, nous ne pourrons jamais connaître la Vérité, la réalité ? Nous ne connaîtrons que nos propres croyances et nos conceptions intellectuelles de cette réalité.

C’est en reconnaissant que nous sommes à l’origine de nos souffrances qu’il nous sera possible de trouve enfin un début de paix intérieure. A partir ce cette acceptation il nous est possible de nous engager sur la voie d’une vraie démarche spirituelle et  de trouver des réponses à certaines questions existentielles.

Comment vivre paisiblement en harmonie avec nous-mêmes et notre entourage ?

Comment voir les choses comme elles sont réellement et non comme elles paraissent être ?

Comment comprendre ce qui se passe dans notre corps et dans notre esprit en devenant capables d’accepter ce qui se présente avec moins d’irritation et de gérer les situations de façon plus positive ?

Comment se satisfaire d’un bonheur dépendant de conditions impermanentes et au delà de notre contrôle ?

Il y a 2500 ans un homme décida d’examiner le problème de la souffrance humaine. Après des années de recherche, de tentatives par des méthodes diverses, cet homme découvrit grâce à la pratique de la pleine conscience la réalité de sa propre nature et fit l’expérience de la libération de la souffrance. Ayant réalisé ce but suprême qu’est la libération, la délivrance de la souffrance sous toutes ses formes, il consacra le reste de sa vie à aider les autres à faire de même.

Cette personne connu sous le nom de Bouddha, « L’Eveillé » n’a jamais prétendu être autre chose qu’un homme. Comme tous les grands maîtres et bien qu’il ne se prétendit jamais un être divin, il devint l’objet de légendes. Toutes ses qualités étaient des qualités éminemment humaines qu’il avait développées à la perfection. Tout ce qu’il a accompli est donc à la portée de chaque être humain pratiquant comme il le fit.

Son enseignement n’est pas le fruit de son invention ou d’une révélation divine qu’il aurait reçue. C’est simplement la vérité, la réalité, qu’il est parvenu à découvrir par ses propres efforts et il n’en a jamais revendiqué le monopole.

Comment nous aussi découvrir notre réalité intérieure et nous libérer de la souffrance ? Tout simplement comme lui en pratiquant la pleine conscience et en développant notre concentration.

Qu’est-ce que la pleine conscience ? C’est le développement de la concentration par l’auto observation de «soi-même» au plan physique et mental. Une technique basée sur l’attention, la prise de conscience, l’observation de la réalité telle qu’elle se présente à nous ayant pour but d’éradiquer la souffrance, l’avidité et l’aversion. Car ce n’est qu’en contemplant chaque phénomène apparaissant à la conscience par nos six portes sensorielles qu’il est possible de supprimer toutes formes d’attachements ou de rejets.

C’est l’observation précise de tout ce qui se passe dans notre corps et dans notre esprit, dans le présent.  Etre attentif à tout ce que nous faisons, actes ou paroles dans notre vie privée ou professionnelle.

Que nous marchions ou soyons assis, que nous soyons debout ou couché, que nous mangions ou buvons…Nous devons être pleinement conscient de notre acte au moment même où il est accompli, vivre dans l’action présente.

De cette observation répétée, de cette attention d’instants en instants découle la découverte que tout dans le corps et dans l’esprit est impermanent, insatisfaisant et impersonnel ce qui permet de s’en détacher et d’être capable de faire face avec calme à toutes les vicissitudes de la vie.

Il est important de comprendre que la base de la pratique c’est « l’attention » et « l’observation » de ce qui se passe en soi et autour de soi.

La pleine conscience consiste à observer les sensations, comprendre leur nature changeante qui conduit à la connaissance de l’impermanence, et de développer la connaissance de l’équanimité une égalité d’états d’esprits quels que soient les événements. Tout phénomène qui apparaît s’anéantit aussitôt. Rien n’est durable. Qu’ils soient physiques ou mentaux, agréables ou désagréables, les phénomènes doivent être perçus avec équanimité. C’est un état de vigilance mentale et émotionnelle pour observer la véritable nature des processus mentaux. Par sa pratique la pleine conscience nous permet un véritable nettoyage des attachements, des peurs, des confusions…

Telle qu’elle est enseignée en Birmanie, elle est dépouillée de tout aspect culturel, de rituels et de cérémonies et c’est pourquoi elle plaît à beaucoup d’occidentaux. C’est une technique extraordinaire par sa simplicité et surtout par les résultats qu’elle permet d’atteindre.

Elle ne demande aucunement de dépendre d’un gourou. La dévotion envers un être, si saint soit il, ne suffit à libérer personne de la souffrance tout au plus à devenir un disciple automate ; il ne peut y avoir ni libération, ni salut, sans pratique et sans expérience directe de la réalité.

Elle propose l’autonomie personnelle, de devenir sa propre autorité par une démarche responsable de déconditionnement de soi par soi-même. Démarche qui n’a rien à voir avec la prière, l’adoration ou les cérémonies. Dans ce sens elle ne contient rien qui puisse être qualifié de « religieux » et bien qu’elle fût découverte par le Bouddha elle n’a rien à voir avec une religion.

 La pleine conscience est d’un égal bénéfice pour quiconque la pratique, sans aucune distinction de race, de milieu social ou de sexe, elle s’adresse aux êtres de toutes congrégations et peut être pratiqué par tous. La souffrance est universelle et ne fait pas de différence, par conséquent la vérité n’a pas d’étiquette; elle n’est pas plus bouddhiste, que chrétienne, qu’hindoue ou musulmane. Cette vérité n’est le monopole de personne.

La pratique de la pleine conscience ne nous retranche pas de la vie et n’évite pas la vie. Bien au contraire elle est en rapport avec notre vie, avec nos activités au quotidien, avec nos tristesses et nos joies, avec nos pensées et nos émotions, avec nos occupations morales et intellectuelles. Elle permet de vivre chaque instant sans rien esquiver tel qu’il se présente à nous. C’est prendre conscience de la colère qui nous habite lorsque la vie ne va pas comme on veut, que les gens ne répondent pas à nos attentes. D’être conscient de la limite à notre ouverture aux autres et à la vie.

Quand survient une situation agréable, nous pouvons la savourer complètement, ayant la conscience totale et non distraite du moment présent. Mais quand l’expérience passe, nous ne nous affligeons pas. Nous continuons à sourire, comprenant qu’elle était vouée à passer.

Egalement, quand survient une situation désagréable, nous ne sommes pas bouleversé, nous l’accueillons, la comprenons et trouvons ainsi un moyen de la modifier par l’agir et non le réagir.

Il s’agit en fait de développer un esprit d’équanimité face à toutes les situations que nous rencontrons. Mais attention développer cette équanimité ne veut pas dire non plus nous rendre impassibles et inertes, laissant le monde faire de nous ce qu’il veut. A partir de la compréhension c’est être dans l’acceptation et non dans la résignation.

Pratiquer la pleine conscience ce n’est pas suivre un chemin dont l’espoir de bénéfices ne peut être récoltés que dans l’avenir, voire d’atteindre après la mort un paradis idyllique. Les bénéfices de la pratique sont immédiats, concrets, vécus ici et maintenant à chaque pas fait sur le chemin…